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Réciprocité - Réciprocité - L’ESS, une économie de droit commun au service de l’intérêt général

L’ESS, une économie de droit commun au service de l’intérêt général

15.11.2025 ess - économie sociale et solidaire - esus
L'actualité

L'actualité

Nicolas Planchon, Co-président de la CRESS Auvergne-Rhône-Alpes depuis juin 2024, revient sur le rôle des CRESS, leur ancrage territorial et les défis que l’Économie Sociale et Solidaire doit relever face aux crises actuelles.

Il évoque la place de l’ESS dans les dynamiques urbaines et les politiques de l’habitat, où émergent de nouvelles façons d’habiter, coopérer et innover ensemble.
Une discussion inspirante sur la capacité de l’ESS à transformer nos territoires et à donner du sens à l’économie locale.


1. Comment définiriez-vous aujourd’hui l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) ?
Pour résumer simplement : c’est une économie de droit commun au service de l’intérêt général.

L’ESS regroupe des associations, des coopératives, des mutuelles, des fondations et des sociétés commerciales de l’ESS (agrément ESUS). Ce qui nous réunit, au-delà de la diversité des statuts, ce sont les valeurs de démocratie, de solidarité et d’utilité sociale.

L’économie de l’ESS ne crée pas les besoins : elle y répond. Contrairement à une économie dérégulée où la finalité est la rémunération du capital, notre finalité, c’est l’intérêt général.
Créer du résultat, oui — mais comme un moyen, pas comme une fin. Ce résultat permet de redistribuer, d’investir, de renforcer la cohésion sociale. C’est cette chronologie de l’intention qui distingue fondamentalement l’ESS.


2. Quels sont, selon vous, les grands enjeux auxquels l’ESS doit faire face dans le contexte actuel ?

Les enjeux de l’ESS sont ceux du pays tout entier : crise sociale, économique, écologique et démocratique.
On observe un risque de décohésion sociale profond, alimenté par l’abandon progressif des politiques publiques et une forme de communautarisation des intérêts. Ce phénomène touche toute l’Europe, avec la montée de discours populistes et le recul de l’idéal démocratique.

Face à cela, l’ESS apporte des réponses concrètes :

Économiques, avec des modèles ancrés localement qui favorisent la relocalisation et la souveraineté (comme les SCOP ou les SIC où les salariés sont collectivement propriétaires).

Sociales, avec des actions de soutien et d’accompagnement qui évitent un coût social encore plus lourd à long terme.

Écologiques, car les innovations environnementales sont souvent nées dans l’ESS : initiatives citoyennes de production d’énergie, filières du réemploi, etc.


L’intérêt général n’est pas un sprint : c’est une course de fond. Il faut penser dans la durée, au-delà des logiques budgétaires annuelles.


3. Face à la baisse annoncée des financements publics, comment les acteurs de l’ESS peuvent-ils s’adapter ou se mobiliser ?
La baisse des dotations de l’État aura des effets en cascade sur les collectivités locales, qui sont pourtant les premières à financer les projets ESS. Ce sont elles qui portent les compétences obligatoires en matière sociale, éducative, ou culturelle.

L’impact sera très variable selon les territoires et les secteurs, mais il est certain que les structures sociales, culturelles ou d’insertion seront les plus touchées.

Pour s’adapter, il faut éviter le repli sectoriel : se mobiliser collectivement pour défendre l’intérêt général commun, notamment dans les débats législatifs.
Des amendements doivent être portés au Sénat et à l’Assemblée nationale au nom de cette solidarité.
Comme le disent plusieurs acteurs : « Ça ne tient plus ». Il faut le faire entendre ensemble.


4. Quelle est aujourd’hui l’image de l’ESS auprès du grand public ?
Elle reste souvent caricaturale ou partielle : on pense spontanément au Resto du Cœur, mais pas forcément à une SCOP industrielle ou à une société coopérative d’habitat.
Un travail de pédagogie reste à faire pour montrer la diversité du champ.

ESS France a lancé une plateforme de marque pour rendre l’ESS plus visible et mieux comprise.
Et puis, il faut le rappeler : on croise l’ESS tous les jours — dans un club sportif, une école, un lieu culturel, une ressourcerie… encore faut-il que chaque acteur se reconnaisse comme tel et revendique cette appartenance.


5. Le lien entre ESS, urbanisme et habitat semble de plus en plus évident. Les acteurs de la ville et du logement sont-ils suffisamment représentés dans l’ESS ?
La question du logement reste un grand impensé des politiques publiques. On a traité le logement social (loi SRU, renouvellement urbain), mais pas la question du logement dans son ensemble, alors même qu’il représente le premier poste économique des ménages.

L’ESS a pourtant des réponses à apporter : coopératives d’habitants, modèles de viager solidaire, nouveaux modes d’habiter ensemble.
Ces initiatives restent marginales, mais elles ouvrent la voie à une innovation sociale essentielle.
C’est un enjeu majeur : repenser le logement non plus comme un simple patrimoine individuel, mais comme un levier de cohésion sociale et de transition écologique.


6. Comment voyez-vous évoluer la place de l’ESS dans les politiques territoriales de demain ?
Nous travaillons avec les collectivités sur des outils concrets comme le SPASER (Schéma de Promotion des Achats Socialement et Écologiquement Responsables).
Il s’agit d’intégrer l’ESS comme acteur de droit commun dans la commande publique, et non comme un secteur marginal ou réservé à certains marchés “sociaux”.

Changer le mode de contractualisation, réfléchir aux règles d’éligibilité, garantir l’égalité de traitement tout en favorisant l’impact social : voilà les leviers à activer.
C’est un travail collectif, à construire dans la durée.


7. Y a-t-il une initiative ESS récente dans la région qui illustre particulièrement bien ces valeurs ?
Oui, plusieurs exemples marquants :

Économie / emploi : les coopératives d’activité et d’emploi (CAE), qui fêtent leurs 30 ans, sont une réponse concrète à l’entrepreneuriat individuel, avec un modèle collectif et une protection sociale solide.


Écologie : le groupe ENVIE, acteur majeur du réemploi né en Auvergne-Rhône-Alpes, illustre une réussite économique forte. Aujourd’hui, le modèle est fragilisé par le fléchage des financements vers le recyclage plutôt que le réemploi — un vrai sujet de fond.


Solidarité : Les Grandes Voisines à Francheville, un lieu hybride mêlant accueil de publics en grande précarité, tiers-lieu, formation et hébergement. Un modèle d’hybridation économique et sociale inspirant.


Habitat : la Société Immobilière des 3 Colonnes et son modèle de viager solidaire, qui conjugue logement, vieillissement et innovation sociale.


Ces initiatives prouvent que l’ESS n’est pas un “autre monde” économique, mais une composante essentielle de l’économie territoriale.


8. Enfin, un mot sur le Forum mondial de l’ESS ?
C’était un plaisir d’y participer, d’autant que la CRESS AURA y animait plusieurs ateliers. Le fait que ce soit désormais un enjeu mondial est significatif : en 2023, l’ONU a déclaré qu’il n’y aurait “pas d’avenir sans ESS.”

Ces forums permettent des échanges riches, mais ils restent parfois trop entre soi.
L’ESS gagnerait à aller se confronter à d’autres sphères économiques et sociales, à sortir de son confort.

Autrement dit : parlons de l’ESS partout, pas seulement entre nous.